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Toujours ailleurs

  • Photo du rédacteur: Carla Pierre
    Carla Pierre
  • 30 sept. 2023
  • 6 min de lecture

Dernière mise à jour : 12 nov. 2024

Qui n’a jamais procrastiné, n’a jamais oublié ses clés ou ne s’est jamais déconcentré lorsqu’il réalisait une tâche ? Personne, me diriez-vous ! Mais pour les patients souffrant du Trouble du Déficit de l’Attention (TDA), ces symptômes sont handicapants depuis l’enfance…

Faire des erreurs d’étourderie, ne pas réussir à se concentrer, avoir l’esprit ailleurs même quand quelqu’un parle, ne jamais réussir à terminer une tâche, ne pas réussir à s’organiser au quotidien, éviter les actions qui nécessitent un effort mental soutenu, ou encore perdre ses affaires plusieurs fois par jour, sont autant de symptômes (1) qui peuvent laisser penser à un déficit de l’attention. D’après la psychologue Emmy Fluckiger, « Il va aussi y avoir des interruptions du court de la pensée, qui peut être occasionnée soit par des stimulations extérieures comme par exemple un oiseau qui passe par la fenêtre ou par des stimuli internes. Une pensée qui va interrompre elle-même le cours de la pensée. » De plus, « La particularité de ce trouble, c’est les conséquences. Il va y avoir des conséquences sur la vie professionnelle et la vie personnelle. Ce sont des critères de diagnostic ! C'est-à-dire que s'il n'y a pas de conséquences handicapantes au quotidien, on ne peut pas définir que c'est un trouble de l'attention. »  


Cependant, les personnes ayant un TDA ne le sont pas de mauvaise foi, et ne sont pas des personnes paresseuses pour autant ! En effet, d’après la Clinique de Psychologie du Québec (2), le TDA est un trouble qui affecte le développement du système nerveux, et qui est provoqué en majorité par la génétique. Les symptômes sont provoqués par ces anomalies des fonctions exécutives, donc totalement indépendantes de la volonté de l’individu. Mais alors, que se passe-t-il de particulier dans le cerveau d’une personne ayant un TDA par rapport à quelqu’un qui n’en a pas ? Emmy nous explique la chose suivante : « Il y a une difficulté à inhiber certaines stimulations, qu'elles soient internes ou externes. Par exemple, la personne est en cours, il y a un oiseau qui passe par la fenêtre, et ça, le cerveau le capte. Chez une personne qui n’a pas de difficultés, ce stimulus va être inhibé, c'est-à-dire que le cerveau arrive à faire le choix d'une priorité pour que l’attention reste focalisée sur l’important, et se détache de ce qui est secondaire. Alors que chez une personne qui a un TDA, toutes ces stimulations vont être traitées comme si elles avaient la même priorité. L’attention ne va donc pas pouvoir être continue, puisque quand la personne est dans cette situation et qu’elle voit l'oiseau passer, son cerveau va traiter la stimulation comme si c'était aussi important que le cours. »


Pas de panique cependant pour les personnes n’arrivant pas à focaliser leur attention longtemps, une stratégie compensatoire existe : « Pour reprendre l’exemple de départ, lorsqu’un oiseau passe, la stratégie de compensation qui peut être mise en place serait d’automatiser une question comme « Est-ce que je dois être concentré sur l’oiseau ou sur le cours ? - Sur le cours. » La personne doit alors volontairement focaliser son attention sur le cours, et à long terme, cela pourra devenir automatique. Pour moi, l’attention est comme un muscle et on peut augmenter ses capacités en la travaillant. » Bien sûr, cela demande du temps et de la répétition, mais cette technique a fait ses preuves pour de nombreuses personnes souffrant de TDA. Il y a aussi la pratique de la pleine conscience, qui peut permettre de « muscler » son attention au quotidien. La psychologue Emmy Fluckiger la définit ainsi : « La pleine conscience est définie par le fait de se connecter à l'instant présent et de mettre toute sa concentration et toute son attention sur ce qui se passe autour de nous à un instant T, où on évite de laisser ces pensées divaguer. On peut constater que nos pensées sont en train de partir ailleurs, mais on doit se recentrer consciemment sur ce qui se passe autour de nous. Tous ces exercices, sur le long terme, vont permettre d’aider la personne à avoir de meilleures capacités attentionnelles.»


Améliorer ses facultés attentionnelles au fil du temps quand on souffre d’un TDA, c’est une chose, mais améliorer ses capacités organisationnelles en est une autre. En effet, comme vu dans l’introduction, les personnes ayant un TDA peuvent souffrir d’une mauvaise gestion du temps. Voici ce que réalise Emmy en thérapie : « On va aider la personne à acquérir des capacités d'organisation, qui vont permettre de compenser son déficit de l’attention. Par exemple, faire des pauses permet d'économiser de l'énergie et d'avoir une meilleure concentration par la suite, et lister les priorités et les tâches permet de mieux réussir à gérer son temps. Avec ce trouble, une tâche mineure peut prendre un temps considérable et si elle n'a pas été priorisée par rapport à une tâche qui aurait dû être plus importante, il va rester trop peu de temps pour la tâche importante. » Deux méthodes sont principalement utilisées : la méthode Pomodoro, où on découpe son temps de travail avec des timers pour se laisser des pauses et des temps de travail précis, et le découpage des tâches, qui consiste à découper la tâche qu’on a à réaliser en un certain nombre de tâches plus petites, donc plus facile à mettre en place. « Par exemple le ménage dans un appartement, on va le découper en plus petites tâches comme le nettoyage du sol, le nettoyage d'une pièce en particulier, faire la vaisselle, etc. Cela va aider la personne à s'engager dans une action précise et à ne pas trop se disperser. » Les psychologues font aussi réaliser à leur patient des emplois du temps précis de leur semaine, et mettent en place des routines, qui permettront à la personne d’avoir une charge mentale moins conséquente. Malgré toutes ces stratégies compensatoires, certains patients n’arrivent quand même pas à vivre avec leur trouble. Dans ces cas-là, il existe un médicament appelé la Ritaline, un psychostimulant très efficace, mais qui ne peut être prescrit que par un neurologue ou un psychiatre, et délivré en France seulement sous certaines conditions, car il est considéré comme un stupéfiant.


Aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, le TDA est de plus en plus connu, et de nombreuses personnes s’auto-diagnostiquent et demandent à faire des tests chez un spécialiste, parfois au détriment de personnes qui souffrent gravement de ce trouble (3). Les spécialistes de ce trouble sont encore assez peu nombreux en France, alors que faire si on pense souffrir d’un TDA en tant qu’adulte ? « Si la personne pense que c'est quelque chose de sévère, il faudrait effectivement effectuer un diagnostic. Après, si c'est quelque chose de léger, j'aurais tendance à dire qu'il ne faut pas non plus ne rien faire, mais il ne faut pas s'inquiéter outre mesure. L'idée, ce serait de pratiquer la pleine conscience régulièrement et aussi, de se poser un moment avec un papier, un stylo et réfléchir à comment organiser les tâches qui posent problème. Après avoir posé tout cela sur le papier, je conseillerais de voir avec une personne extérieure ce qu'elle pense de cette organisation, pour avoir un point de vue différent. On peut alors modifier notre façon de fonctionner tout en se disant qu'on peut faire des erreurs et que ce n'est pas parce qu'on a déterminé une organisation qui, finalement, ne nous convient pas que c'est fichu, au contraire. Il faut essayer d'ajuster ce qu'on a pu observer par notre expérience, ajuster l'organisation, et réessayer. Au fur à mesure, cela permet d’affiner les choses pour trouver ce qui nous convient le mieux. Après, tout le monde est différent, donc je pense qu'il y a autant de façons de s'organiser qu'il y a de personnes dans le monde. Et surtout, faire des pauses ! Quand on est dans une tâche et qu'on a tendance à ne pas voir le temps passer, c’est super important. »



Extraits p 28-31 du MINI DSM-5 CRITÈRES DIAGNOSTIQUES, American Psychiatric Association, Traduction française coordonnée par Marc-Antoine Crocq, Traduction française coordonnée par Julien-Daniel Guelfi, Traduction française coordonnée par Patrice Boyer, Traduction française coordonnée par Charles-Bernard Pull, Traduction française coordonnée par Marie-Claire Pull. Editeur: Elsevier Masson| Date de publication: 11/2015. Nombre de pages: 408. EISBN: 9782294743405


Clinique de Psychologie Québec, “Le TDAH chez l’adulte, ce mal sous-estimé”, https://cliniquepsychologiequebec.com/tdah-adulte/#definition, publié le 11/05/2021, consulté le 17/04/2022. 


Pierre Ropert, “Avons-nous tous des troubles de l'attention ?”, France Culture, https://www.franceculture.fr/societe/avons-nous-tous-des-troubles-de-lattention, publié le 04/04/2022, consulté le 17/04/2022

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